LA CONTRACTUALISATION DOIT ÊTRE TESTÉE AVANT SON LANCEMENT
L'interprofession bas-normande veut expérimenter la relation contractuelle producteurs-transformateurs en prévision de la fin des quotas. La région Bretagne-Pays de la Loire a engagé une démarche identique.
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Quel est l'intérêt de lancer une expérimentation régionale ?
Pascal Férey : En 2015, les transformateurs seront en première ligne pour gérer le marché. Mieux vaut que les producteurs aient leur mot à dire. Le principal risque de l'après-quotas est qu'ils se retrouvent seuls face à leur industriel. Utilisons le temps qu'il reste pour simuler des relations contractuelles entre le producteur et sa laiterie, mais aussi entre les producteurs rassemblés en organisation de producteurs (OP) et leur laiterie, qu'elle soit coopérative ou entreprise privée. Il faut s'attaquer à ces deux niveaux avant d'aborder le regroupement des OP en une association d'OP à l'échelle d'un bassin de production. Cette expérimentation a reçu l'aval de l'État, qui vient de présenter au Sénat son projet de loi de modernisation agricole (LMA). Cette dernière donnera un cadre général au contrat, renvoyant à un décret par production pour plus de précision. L'expérimentation aidera à la rédaction du décret lait.
Qu'allez-vous précisément tester ?
P. F. : Afin de ne gêner ni les coops ni les industriels privés, qui voient d'un mauvais oeil le regroupement de leurs producteurs en OP, la Basse-Normandie a choisi de commencer par le plus petit dénominateur commun : la relation entre le producteur et son entreprise. Sera testé le principe des volumes A et B payés à des prix différenciés. Le premier correspondra aux fabrications PGC, le second aux produits moins bien valorisés type produits industriels (PI). L'expérience sera menée dans un premier temps avec quarante producteurs volontaires par laiterie, elle aussi volontaire. L'interprofession régionale est au coeur du dispositif. Des entreprises comme Mont-Blanc, Danone, Maîtres laitiers ou Agrial participent à la réflexion pour un test en réel ou à blanc. L'idéal serait de débuter mi-septembre pour l'amplifier en 2011.
Quels produits couvrira le volume B ?
P. F. : C'est une question majeure. Faut-il le cantonner aux PI ou l'élargir à des produits à faible valorisation ? Ainsi, une entreprise ayant besoin de volumes supplémentaires à des prix compétitifs pour un débouché à l'export pourrait-elle le payer dans le cadre du volume B ? Cet exemple sous-entend que des indicateurs de prix autres que les cotations beurre-poudre seront à construire. Autres sujets sur la table : la référence matière grasse du producteur sera-t-elle payée en A ou en B si elle permet de produire plus ? Les grammes différentiels de TB et TP seront-ils moins rémunérés en B ? Comment sera payé le lait repris par un élevage si l'industriel n'en a pas besoin ? Sans oublier de déterminer le volume A qui sera l'essentiel du revenu du producteur. En période de prix du lait élevé, les industriels seront tentés de le limiter au profit du B. L'interprofession doit traiter sans tabou tous ces sujets pour un outil rodé en 2015.
Comment protéger les producteurs des risques de dérives ?
P. F. : Pour des raisons climatiques ou sanitaires, les éleveurs ne livreront pas, parfois, tous les volumes contractés. Il faut donc prévoir des clauses dérogatoires pour éviter des sanctions. Ils seront d'autant plus protégés s'ils sont regroupés dans une OP liée à leur laiterie, qu'elle soit coopérative ou privée. Le transfert de leur propriété commerciale à l'OP permettra de faire jouer la solidarité : les volumes que certains n'assureront pas pourront être produits par d'autres. J'imagine une adhésion volontaire du producteur à l'OP.
Comment contraindre les industriels à la transparence sur les volumes ?
P. F. : Des contrôles efficaces par l'interprofession, voire par l'État, seront indispensables pour empêcher notamment une pollution du marché A par le B. Il faudra aussi une transparence de l'entreprise envers son OP. Ce sera la seconde étape de l'expérience.
PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE HUE
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